Dernière sortie, 1h15 ce soir. Départ soleil plein avant couchant, arrêt sous les premières étoiles. Volé un seul kite : Krystal WW.
Pensées particulières pour kite_kut et rad...
A ceux qui n'aiment pas les longs posts, désolé, passez vite votre chemin ! Sans rancune ?
Je rentre assez tard ce soir parce que sur les hauteurs de Saumur où je bosse, pas un pet de vent. Rien. Nada. Pétole. Pire que rien, parfois, on dirait même que le vent souffle "à l'envers", comme une sorte de dépression incompréhensible qui retirerait l'air en l'aspirant. A crever. De l'
indoor en
outdoor, quoi !
Après une bonne omelette et un cht'i bout de frometon sur un air de Saumur Champigny (1 verre) sur la terrasse, je repère tout de même la cime des arbres qui entourent ma maison. Et je la vois curieuse. Comment dire... comme penchée. Mais elle ne bouge pas un millimètre, pas même un frétillement de gardon dans les feuilles.
Je matte mon Twist : tourne pas. Je matte mon canard turbine : il a le cul inerte. Je matte l'anémo : 0,0 km/h. D'ailleurs ses trois gobelets ressemblent plus à des coquetiers du 23è siècle qu'à tout autre chose. Bref, ça a pas l'air ça. Et pourtant : je matte alors la bannière et là, je me rends compte qu'elle est tournée dans une direction, mais ne bouge pas du tout. Pas assez en réalité, comme collée/figée. Qui a vidé un pot de Super Glue 3 sur ma belle bannière R-Sky ?! Le temps s'est il arrêté ?
Non pas. J'entends d'ailleurs mes voisins qui s'éclatent en jouant au badminton sur la petite route qui sépare nos maisons et traverse notre hameau. Pour jouer à ça, faut pas de vent.
Je sors sur la bute, il faut que j'en ai le coeur net. Je prends un Ghost, un K WW et un xt.s UL. Et on verra bien...
Arrivé à l'endroit où je désirais aller, je me mis à planter mon campement improvisé, version rapide. Ma cigarette m'indique tout de suite le soleil. Il est encore jaune, assez bas, il chauffe toutefois et je me prends à penser qu'il se pourrait qu'après avoir disparu derrière l'horizon, il vienne à me manquer. Tant pis, j'ai pas pris de plan B côté habits.
Aucune herbe ne bouge. De grands cousins prennent leur envol de ci de là, au rythme de mes pas. J'entends quelques grattements : un mulot s'échappe sous les feuilles ligneuses. Un craquement sous mon pied, c'est une cigüe sèchée qui se casse, se faisant lève et fait fuir une grosse hase. Je repère facilement le gîte duquel je l'ai dérangée bien malgré moi ; y glissant ma main je le trouve profond, chaud et sec, preuve qu'elle est en bonne santé et qu'elle attend probablement une portée.
Je reviens à mes 3 CVs et monte en un instant le seul qui me semble apte à ces conditions extrêmes : le K. Il est bleu. Bleu comme le ciel et les yeux de ma femme et mes enfants. Bleu léger, comme l'air l'est tout autour de moi.
Je déroule mes LPG 40/40 et me tiens prêt. Je décolle très doucement car bientôt les vergues de ce CV en Icones Jaunes seront cotées chez les antiquaires. Heureusement, ils sont réputés moins cher en province... Je manipule donc l'engin avec délicatesse; si tant est que j'en sois réellement capable, en fait.
Première montée. Ca me fait les poils immédiatement. La pression est très très bonne, je ne recule pas d'un micron et le CV monte très bien. Je le sens tout de suite très bien, cette session va être pour moi d'anthologie. Un rêve, un must, un truc qui se raconte pas et qui supporte pas les mots, d'ailleurs.
Mais d'où sort ce vent ? Le soleil lentement retire son chaleureux manteau d'or de dessus les prés et champs qui m'entourent. Plus loin, je vois la Loire en contrebas qui commence à refléter quelques langues rougeoyantes du meilleur effet. Ca y est.
Fiat lux ! Et EUREKA ! Le chaud s'éloigne de moi, il monte. Il sort du sol à mes pieds et file en direction de son maître, le soleil. Dépression devant moi qui entraine de façon très régulière et sans, absolument sans aucun à-coup la masse d'air. La voilà ma pression !
Tch'in !
Vachement bien, on se croirait à la mer, le soir fin août. Je serai sur Quiberon dans 8 jours une semaine et je ne suis pas certain d'y retrouver une fois de telles conditions.
Je suis toujours comme un C.O.N. le CV planté en haut de la fenêtre et j'ai toujours les poils. Ils ne r'tombent pas, eux non plus.
Je repose et je veux reprendre. Cette fois, au premier 1/4 de la monté, je vire à gauche sec, je lance un axel et je finis en fade. Le fade tient très bien, très stable, il monte tout doucement. Deux cavaliers s'approchent lentement au pas derrière moi, sur le chemin qui borde mon spot de rêve. Je reconnais mon médecin traitant et voisin qui est, il faut le dire, très très surpris de constater que le CV vole tout de même sans vent. Le fade est très apprécié : vécu comme fragile et à entretenir.
Je reprends ma session les laissant à leur promenade chaude et agréable. Les chevaux apprécieront la brosse tout à l'heure au box, avec un peu de bol je percevrai dans mon trip éolien leur hennissements de satisfaction, à l'entrée dans la cour de la ferme.
Je retente des tortues que je commence à contrôler de plus en plus. J'ai tout de même toujours le problème de la sortie avec ce kite, et je tente un peu tout. Le faux yoyo deux temps pour sortir ne me va pas. J'y parviens une fois, en ayant eu la gracieuse impression de n'être qu'un bourrin qui aurait fait passer les 60 tonnes du Leclerc sur son fragile SUL. Pas très confortable pour l'estime de soi.
Je tente en lançant un insane et en essayant à plusieurs stades de celui-ci une sortie avec reprise latérale du vol. Meilleur succès, j'aligne trois sorties impec. Mais j'ai du mal à être systématique, va falloir beaucoup bosser sur c'coup là, surtout sur la conservation de la tension des lignes, donc sur la profondeur.
Le soleil est déjà moitié tombé derrière l'horizon. Son rouge écarlate vire à l'orange foncé. Curieusement, la température que je ressens ne varie pas d'un dizième. En réalité, le sol n'en finit plus de dégorger de la chaleur accumulée durant l'après-midi et ce nuage de chaud qui me remonte dans les guiboles est du meilleur effet. Non, je ne regrette absolument pas un fringue.
Je m'amuse à faire passer le CV dans le disque de lumière que je peux maintenant regarder droit dans l'axe sans plus le craindre pour les rétines de mes fragiles yeux clairs. Depuis le début de mon vol, la pression n'a pas bougé d'un iota. C'est incroyable et l'air chaud porte mon CV avec une conviction qui confère au débutant que je suis la certitude que la reprise du vol en sortie de figure sera franche, nette et précise. J'ai un sentiment abominable de contrôle absolu, effrayant.
Je décide de régler son sort au flic-flac. La sortie de fade me vient vite, ce sont les passages suivants en fade qui se laissent désirer. Je parviens à mettre au point un mouvement pas trop brusque, qui fait plonger mes mains vers le bas devant moi, assez loin pour ne pas effrayer mes bijoux de famille.
Comme dans un dernier soupir, le soleil m'adresse son clin d'oeil légendaire, le fameux rayon vert qui n'est que rouge ici bas. Je lance le chrono, curieux de savoir combien de temps ces conditions idylliques que j'ai bien failli rater vont encore me faire le plaisir de durer. Comme les soirs à Ré, je décide que je remballerai sous les premières étoiles ; j'ai la chance d'être assez nyctalope diagnostiqué, ça me sert très souvent.
Le CV vole dans un silence religieux de cathédrale. Pour un Jeudi saint, il est probable que cela soit somme toute normal. Dans les virage serré, il tente un petit brrt qui flatte mes tympans et m'indique que le virage est correctement dosé dans mon tiré/poussé. Je le vois vraiment bien, sur ce dégradé de violet qui va au pourpre à l'horizon. La bordure noire de la voile blanche le détache sur le fond du ciel qui ressemble à un vaste tableau qu'un impressionniste de géni n'aurait dessiné que pour moi. Je me couche un instant, savourant des plaisirs aériens nocifs que Lucky Luke a abandonnés il y a déjà fort longtemps pour assurer sa longévité auprès de ses jeunes fans. L'herbe est pleine de vie ce soir, et c'est un peu comme si tous mes voisins venaient à ma rencontre, comme attirés par mon immobilité.
Ma fumée virevolte au dessus de moi, m'indiquant toujours la direction dans laquelle Maître Rê est tombé pour une nuit de sommeil bien méritée.
Je reprends les sangles et, immédiatement après une montée toujours autant sous pression, je décide de convertir mes sangles de poignets en sangles de doigts. Ah les
fingerstraps, quel pied dans ces conditions ! Et puis cela tient bien moins chaud !
Je repasse inlassablement mon petit programme de rien, toujours en veillant à bien m'appliquer et à savourer chaque instant de plaisir à sa juste valeur. Un autour vient tournoyer très haut au dessus de moi. Mes 40 mètres ne sont rien à côté de son altitude dominatrice. Quand je pense au territoire couvert de 1000 à 4000 hectares par un couple de cette espèce, je me dis que mon copain la buse qui vient me voir lui aussi parfois, a certainement là un concurrent de choix. Ma buse, elle, ne couvre que 300 hectares seulement...
Je me lance dans des tentatives de cascades d'axels pour flatter mon spectateur du dessus. Pas gêné du tout, il regarde en tournoyant, me donnant envie de faire faire la même chose à mon appareil. Mais voilà, avec sa cervelle d'oiseau, ce grand planeur a déjà compris tant de choses qui m'échappent encore. Ce n'est pas grave, j'ai le temps pour moi.
Le kite m'envoie de très subtiles sensations dans les doigts. Je me régale de pouvoir apprécier dans les lignes droites horizontales, le décalage inamovible des lignes et surtout l'impression fixe de la différence de pression. Le kite ne prend aucun à-coup, les seuls chocs visibles sont les miens, mes impulsions pour tenter de lancer des tricks.
J'entends maintenant de toute part vagissements de lièvres et grenouilles qui coassent. La nature bourdonne tout autour de moi en ouvrant son accueillant établissement de nuit, tellement bruyant comme ceux des grandes villes ! Au loin, je commence à distinguer Angers dans sa plaine de la Maine qui s'illumine, les trois rivières me semblent un instant des coulées d'argent. Premier spot lumineux aperçu : un avion de ligne qui tellement haut luit encore des derniers rayons du soleil.
Je n'ai toujours pas même frais et je décide de rentrer alors qu'il est encore toujours très agréable de voler. J'ai enregistré 45 minutes de chrono en un pur bonheur, pas un seul aller retour au CV qui ne s'est donc pas laissé perdre.
Très bon vol à tous !
Votre très épicurien et bavard,
J-Marc
Dernière édition par jmb49 le Jeu 21 Avr 2011 - 23:31, édité 1 fois (Raison : Ah l'ortographe !)