Newbie

Le cervoliste est d'essence individualiste.
En général, il vole dans son coin.
C'est presque un marginal. Du moins à ce stade.
Mais au bout d'un an de pratique à voler seul dans son coin, voire plus, il se rend compte qu'il n'a pas beaucoup évolué et qu'il a sans doute pris de mauvaises habitudes.
Habitudes dont il aura beaucoup de mal à se défaire.
Le Net aidant, il voit parfois au détour d'une vidéo toute l'étendue qui le sépare de sa propre pratique.
Alors, il tente de se rapprocher d'autres cervolistes.

Parfois, le scénario est différent, car, là, où il débute, il y a déjà d'autres cervolistes.
Mais lui, dans un premier temps, il ne fait que passer.
Il regarde et passe.
Il n'ose pas encore se mélanger. Par peur du ridicule.
Il sait que son niveau ne le mettra pas en valeur.
Le kite est un sport d'adresse qui demande une excellente coordination des gestes dans les enchaînements.
Et dans ce registre, il y a les bons et les mauvais, les surdoués et ceux qui mettent plus d'un an avant de passer leur premier trick.
Le cervoliste n'échappe pas à cette classification.
Et le cervoliste qui n'en est pas moins un être humain aime bien maîtriser ce qu'il fait et n'aime pas être dans la position du nioube qui rate tout ou du débutant qui ne comprend pas ce qu'on lui dit.

C'est pourquoi, quand il voit un Top Gun sur le terrain, il se mettra derrière lui, en retrait.
De cette position, le Top Pilote ne le voit pas faire des allers-retours incessants sur le terrain et lui, il ne perd rien des tours de magie du top pilote.
Le Top Pilote a enregistré dans son radar la présence du nouveau.
Alors, il se retourne un peu et à travers ses nouvelles Ray-Ban pliantes, il balaye l'horizon du spot, car il est, ici, chez lui, c'est le Produspot.
Quand il voit le kite de plage du nouveau, il comprend qu'il a affaire à un nioube.
Tiens, le Produspot vient de rater un Yoyo Take Off qui a fini enroulé au sol...
C'est aussi un être sensible le Produspot...

Voilà, mais, il arrive que le nioube persévère et passe le cap du vol en 2D et s'essaye déjà à la dévente, et comme il l'a lu plusieurs fois, dans un des dernier forum qui traite du kite, que pour progresser, il lui fallait un plus grand kite et des lignes moins élastiques, il aura investi dans le dernier kite à la mode, le Top Of The Kite, celui du champion of the World en titre. Mais comme son budget a été revu à la baisse suite au remplacement de sa chaudière par une pompe à chaleur, il ne prendra pas la version Pro-Comp en Aero-Snuff, mais celle de base en Requin du Ciel.
C'est déjà amplement suffisant pour ses besoins et son niveau.

On revient à la scène d'avant, et le Produspot se retournant alors et voyant la gueule du kite du nouveau, il se demande si c'est bien la version Pro-Comp en Aero-Snuff du Top Of The Kite mis au point par Spike Marteau et Axel Golf.
A la pause, il ira le voir. Ils parleront chiffon, de la version hybride qui vient de sortir et s'il a déjà essayé la version semi vented, en proto et que, lui, le Produspot a pu tester dans un vent de cinéma à Beurk-sur-place...
Le nouveau apprend que pour être un bon pilote, il faut au moins dix ans de pratique assidue et habiter en bord de mer...
Certains ont commencé à 8 ans, d'autres à 13.
Certains sont champion à 17 ans, d'autres à 12...
Le nouveau qui a plus de trente ans se demande s'il y arrivera un jour à un être un bon pilote.
Question temps et disponibilité.
Mais bon, il est très opiniâtre et déterminé, il sait qu'il n'est pas vraiment doué, qu'il lui faudra beaucoup travailler, qu'il a perdu beaucoup de temps à voler seul, et qu'il ne sera jamais un top pilote, mais il veut au moins passer les tricks du moment.

Au bout d'un certain temps, il passe certaines figures du groupe 2 et 3. Il pense avoir progressé.
Sur le terrain, il est plus à l'aise.
Sauf que pour les entrées et les sorties ce ne n'est pas vraiment ça. Il est un peu brusque sur les inputs et le tout manque de souplesse et de fluidité.
Mais qu'importe, la figure passe... C'est ce qu'il se dit. Du moins, il dit, voilà, c'est plié, la figure rentre.
Même si c'est un semblant de figure... même si c'est une fois sur dix...
Même si dans le Rolling-Susan, il y a une perte de hauteur en sortie sur l'horizontale ou que les Ours ne sont bien pas aligné sur l'axe vertical... et que les lignes droites sont de travers...

Il se dit qu'il en est même pas à la moitié du catalogue. Il y a tant à faire encore pour devenir un bon pilote.
50 figures au total !
Plus les 15 en précision...
Et la maîtrise de tout cela !

Alors, aujourd'hui, il va essayer le Wap Doo Wap, on est en level 4. Il faut sauter le pas et tenter l'impossible, avoir de l'audace, ne pas se laisser enfermé dans des schémas négatifs et penser que le level 4, c'est réservé uniquement aux happy few.
Au début, il ne comprend pas l'impulsion pour la bascule.
Un jour et en mode bourrin, il pense avoir réussi, il n'en est pas vraiment sûr, c'est allé tellement vite, mais bon, la position du kite semble correspondre...
Maintenant, il bloque sur la rotation !

Il se décide à aller voir le Top Gun du coin pour lui poser la question.
Il ne faut pas de temps mort entre la bascule et la rotation. Quand la spine est à l'horizontal, tu déclenches la rotation.
Dit ainsi, cela à l'air simple.
Puisqu'il a le Produspot sous la main, il en profite pour le Crazy (là, on passe en level 5, on saute les étapes, mais c'est la figure du moment, qui plus est, c'est une ancienne figure, alors, oui pourquoi pas...).
Déjà, tu baisses l'incidence, cela facilite la bascule.

Seul sur son spot, il commence à baisser l'incidence. Il n'a jamais touché au bridage.
C'est vraiment nouveau pour lui et il a peur de tout dérégler et le Produspot ne lui a pas dit de combien il fallait baisser cette incidence.
Alors, il se décide pour 1 cm.
Sauf qu'il n'arrive plus à décoller son kite, il est vraiment trop lourd.
Quand il essaye la bascule du Crazy, cela coince.
Donc, il y a autre chose...

Bon, maintenant, il tente de revenir à la cote d'origine. Le Crazy, on verra une autre fois.
Il défait le noeud et remonte d'un centimètre.
Et maintenant, son kite semble complètement déréglé.
Il ne vole plus pareil et rien ne passe...
J'aurai jamais dû touché à ce foutu bridage.

De retour chez lui, il demande sur l'un des dernier forum qui traite encore du kite les cotes de son Top Of The Kite en version Requin du Ciel.
En réponse, on lui dit qu'il eusse fallu qu'il notasse les cotes d'origine du dit bridage sur une belle feuille de papier et aussi les cotes de la structure et que toutes modifications du bridage a une incidence sur le comportement du kite.
Genre, on ne touche au bridage que si on sait ce que l'on fait.
Bon, Ok, et c'est quoi ces cotes d'origine que j'ai oublié de noter ?
En même temps et au fond de lui, il pense que c'est aux constructeurs de donner ce type d'infos...

Revenu sur son spot, et après cette frayeur, il revient aux fondamentaux.
Se faire plaisir.

Il met, alors, le kite en Fade et le fait tenir le plus longtemps possible, déjà, parce que lui, il aime bien tenir le Fade et aussi, parce qu'un jour un top pilote lui aurait dit que cela ne servait à rien de rester une heure à tenir le Fade...
Mais, lui, il aime beaucoup cette figure, c'est une des première qu'il a réussi à passer, elle est du level 1 et il parvient même à la scotcher dans le ciel.
Gestion minimaliste des mains pour maintenir les lignes en légère tension et blocage de la respiration pour maintenir le kite sur place.
Il est comme en apnée. Dans un état second.
Juste avant sa session et la mise en Fade, il a pratiqué un des exercices de relaxation qu'il avait appris dans une séance de coaching  pour évacuer le stress. Faire le vide en soi et respirer profondément et expulser tout l'air jusqu'au dernier souffle...

Voilà, il fait corps avec son kite.

Une brise du nord parcours le spot, les cirrus dessinent des traînées et des arabesques dans le ciel, le soleil fait jouer les couleurs du kite comme un vitrail.
Il est seul sur le spot.

Il semble heureux.

Wahoou !    .. c'est superbement écrit et imagé .. on se croirait vraiment sur le terrain .. et on a même l'impression que tu racontes une partie de nos souvenirs personnels, tellement c'est proche de ce que nous vivons ou avons vécu à un moment ou à un autre ..

Bravo ! .. c'est vraiment bien vu et c'est de la même veine que le texte parodique que Mathieu avait posté il y a quelque mois sur le forum, en ayant "emprunté" la trame du texte à Stéphane Krause, un auteur qui avait écrit cela pour le kite wind surf et que j'ai fini par retrouver, ici :

https://aufilduvent.forumactif.com/t4813-pourquoi-faire-creuser-son-cerf-volant

Des textes pleins d'humour et de finesse qui sont une bouffée d'air pur .. avec ici, une note finale qui nous réjouit et nous laisse avec un sourire plein de béatitude .. à l'image d'un cervoliste heureux.   



Philippe

Pas mal Luc !

En effet texte très inspiré du texte de Mat le dégueu qui s'est lui même pas mal inspiré des textes de Stephane Krause, entraineur manager d'un team de funboard (windsurf et non pas kitesurf mon cher Philippe ) dont voici le lien de son site : https://skrause.wordpress.com/

A+,
Franck.

Franck 40 a écrit:.. manager d'un team de funboard (windsurf et non pas kitesurf mon cher Philippe ) dont voici le lien de son site : https://skrause.wordpress.com/

Erreur corrigée Franck.  



Philippe

Excellent texte luc.

très joli Luc
Merci

Superbe...j'attends avec impatience la suite..... Le newbie à son premier festival, le newbie et son sac à CV, le newbie qui découvre un nouveau spot, le newbie qui devient produspot. Une série spéciale pour les cerf volistes !! Lol


Encore bravo !!

bravo Luc ^^ belle prose ^^

j'aime beaucoup la fin et l'histoire du fade ...

>> Quand il voit le kite de plage du nouveau,
>> il comprend qu'il a affaire à un nioube.

souvent effectivement nous regardons le matériel des personnes
et nous nous arrêtons là
j'aime espérer que beaucoup d'entre nous vont plus loin et aident ces débutants
dernièrement j'ai fait une rencontre sympa à Marigny, le Mr un peu moins que débutant était bien content d'essayer des lignes de 40m skyline et un cv un peu plus efficace que le siens, j'espère que nous lui avons ouvert l'horizon avec Nicoger

>> Le nouveau qui a plus de trente ans se demande s'il y arrivera un jour à un être un bon pilote.
>> Question temps et disponibilité.
se fixer un objectif et se donner les moyens de l'atteindre
beaucoup de volonté et un matériel adapté
et garder le plaisir de voler et de partager

continue de nous faire plaisir à te lire
merci à toi
Pascal

Whaou ca c'est du texte bravo

Après plus de trois ans à bouriner, le nioube parvient au stade intermédiaire, il gère les rotations sur le ventre et le dos et certaines bascules dans la profondeur.
Mais il stagne. Il n'arrive pas à évoluer.
Alors, il peaufine sa gestuelle et ses déplacements au sol.
Il affine sa qualité de vol.
C'est un perfectionniste.
A chaque session, il s'impose des contraintes avec un programme prédéfini.
Voilà, il répète ses gammes et par tous les vents.
On lui a dit que piloter par tous les vents était formateur.
Il aime bien cette sensation de danger dans le vent soutenu. Il reste ultra concentré et ressort de chaque session comme épuisé. Il va chercher au fond de lui-même.
Dans la pétole, il apprend à piloter en reculant.
Avant chaque session, il fait des assouplissements. Il se met en condition comme s'il se préparait pour un marathon. Cela lui donne de l'énergie.
Il maîtrise chacun de ses muscles et contrôle sa respiration.
C'est un ascète.
Quand il pleut, il répète, devant sa glace, l'ensemble des gestes de chaque trick, du moins ceux qu'il connaît bien et qu'il réussit à tous les coups. Il corrige ainsi sa gestuelle.

Désormais, le kite est devenu plus qu'une passion. C'est une partie de lui-même.
Une sorte d'extension ou d'excroissance qu'il a du mal à contenir et à gérer.

Du reste, il a sacrifié sa vie de couple. Depuis son récent divorce, il a revendu les parts de sa société et pratique le télétravail.
Il vient de tout revendre pour s'acheter un bout de terrain. Le terrain se trouve à cent mètres de la plage. De là, où il est, il ne voit pas la mer, mais il l'entend.
Chaque matin, il va courir.
Ensuite, il travaille. Il est consultant pour une start-up.
Il travaille à distance. Les réunions se font par visioconférence.
Tous les après-midi, il va voler jusqu'au soir.
A ce rythme, il a énormément progressé.
Le soir, il lit. Des polars scandinaves.
Il est absolument seul.

Il vit comme un ermite, un écrivain qui aurait besoin de distance avec le monde pour écrire. Il est comme un artiste qui trouve l'inspiration loin du tumulte du monde et des contingences sociales.
Il est de cette race-là, car certains artistes préfèrent l'agitation, être dans l'arène, dans le chaos et le désordre du monde.

Il essaye d'écrire une routine. Un truc perso. Du coup, il n'en parle à personne, mais comme il ne voit personne...
Le choix de la musique est pour lui cornélien. Son registre va de l'ambient au post punk, en passant par la musique baroque. Pas simple.
Comme il n'est pas compositeur, il est obligé de s'appuyer sur une bande son existante.
Il a pensé mixer différentes sources.
Il en est resté là de ses réflexions.

Depuis quelque temps, il parcourt les Festivals de cerf-volant.
Il reste à l'écart, anonyme. Il essaye de se diluer dans la foule, d'être invisible.
Il regarde tout et prend des notes.

De retour dans sa caverne, il peaufine sa routine.
Il en a dessiné deux, une pour un vent de STD et une pour un vent plus soutenu.
Il ne s'est pas aventuré à y introduire des tricks complexes.
Il ne chercha pas la virtuosité, mais la lisibilité et la fluidité.
En ce moment, il travaille le rythme, la droite et la gauche, la dissymétrie, les ruptures, les diagonales...

Il a trouvé une bande son, un groupe de post-rock qui mêle plusieurs influences.
C'est assez dilué, des nappes sonores qui sont un mélange de punk et d'ambient.
Une musique étrange et enveloppante.
Il a commencé à voler dessus et à réécrire sa routine en fonction du rythme ou de l'absence de rythme. Parfois, il a l'impression que le temps s'étire.
Il lui faudrait un kite plus grand, plus lent pour que la musique corresponde.

Il a commencé à en dessiner un.

L'inspiration est là !

Vivement la suite...

ça sent le prix Renaudot 2015 cela Luc

superbe, 50 nuances de cerf-volant lol

-Damien-

Superbement écrit.... À Quand la suite ?

C'est vraiment un régal de déguster ces "gourmandises" pour l'esprit .. cervoliste.    

Ce deuxième épisode qui me semble même être d'inspiration encore plus personnelle, valorise davantage encore, le talent de Luc.

Le style, avec des petites phrases coutes et concises, qui comme les coups de pinceaux de l'artiste, nous font entrer dans le tableau au fur et à mesure de notre lecture.

.. et on a tous quelques instants de vie à nous, dans ces tableaux impressionnistes.

Cette manière d'écrire me rappelle deux livres qui m'avaient apporté le même plaisir de lecture, à une époque ancienne, où je faisais un peu de vélo (dans l'esprit ballade cyclotouriste) ; il s'agissait de la série "Albina et la bicyclette" et "Albina roule en tête" écrits par le talentueux dessinateur humoristique Jaques Faizant et qui racontaient avec humour et légèreté, la découverte du "vélo", par une jeune et charmante "newbie" américaine qui ne connaissait jusqu'alors que ... "la bicyclette" .. ce qui n'a rien à voir.

Donc, Luc est bien parti pour être .. notre Jaques Faizant du cerf-volant !  

A l'époque où la photo et la vidéo sont omniprésents, il arrive ainsi que le poids des mots soit parfois plus évocateur que celui des images et que leur pouvoir d'imprégnation puisse être aussi fort.  

Un encouragement à poursuivre l'écriture de ces "chroniques" et pourquoi pas, dans le futur, à les rassembler dans un "ouvrage" pour qu'elles restent accessibles aux générations montantes de jeunes cervolistes.  



Philippe

Alors, il s'essaye à différentes configurations.

Il se heurte à l'écoulement de l'air par rapport à une surface ou comment l'air "fuite" sur l'intrados.
Ce qui pour lui aura une incidence sur la forme et la découpe de la voile : le shape.
Il n'aura pas de réponse sur le dernier forum qui traite encore du cerf-volant.
Cela tient de la physique des fluides et tout le monde semble s'en désintéresser.
On reste dans l'aléatoire et l'empirisme, le "bouinage" maison ou le "corporate" siglé...
Et puis un jour, on lui explique pourquoi et comment la voile  doit "dégueuler" sur les côtés, du rapport entre le milieu et les côtés et de la différence entre vent réel et vent apparent.
Il comprend parce qu'il a fait de la voile.
Régates d'Optimist et de Vaurien sur l'étang de Thau dans sa prime jeunesse...
Mais cela ne l'avance pas plus dans son projet global.
Pour lui, la construction d'un cerf-volant relève plus d'un concept métaphysique que d'un workflow bien défini avec ses contraintes techniques et ses aléas, sachant qu'une modification en entraîne une autre. C'est le principe des vases communicants.
Il ne veut pas faire un kite de plus, mais fabriquer celui qui correspondra le plus avec ce qu'il est et sa conception du monde.
Il veut une totale harmonie, une concordance absolue entre lui et son kite.
C'est un ascète et un utopiste.

Pour l'instant, il dessine et accumule des connaissances considérables sur les fluides, la structure, les matériaux, le shape et le bridage.
Il ne sait pas encore comment agréger tout cela.
Cela lui échappe encore, en partie.

Il dessine et écrit...

Il lui faut partir sur de l'existant.
Pour lui, la feuille blanche n'existe pas, elle est déjà investie avant que d'être par ce qui a déjà été fait, par tout ce qui nous entoure.
Il n'y a pas de nouveauté ou d'invention, tout s'appuie sur le tout déjà présent...
On ne fait qu'agencer des territoires, des formes, des couleurs...

Pour l'inspiration, c'est un adepte de l'art pour l'art, il se dit que la filiation est la résultante et la déformation de ce qui s'est déjà fait.
Il prendra toujours pour analogie et pour exemple ce tableau d'Edouard Manet, le "Déjeuner sur l'herbe", une sorte de BBQ sulfureux pour l'époque, puisqu'on y voit des cervolistes endimanchés avec des naïades peu étoffées à l'heure du déjeuner.
Ce tableau provient d'une gravure de Raimondi faite d'après un tableau ou un dessin de Raphaël, aujourd'hui disparu et qui serait, lui, la reprise d'un bas-relief d'origine hellène...
Par la suite, un peintre espagnol déclinera ce même tableau en autant d'originaux.
Un autre en fera un tableau Pop-art dans les années 60.

A chaque fois le tableau est différent.
Le "même est autre".

On parlera de filiation. Sachant qu'il existe plusieurs types de filiation.
Dans une de ces filiations, l'artiste a volontairement créé une parenté entre sa création et une œuvre existante. Cette parenté entre les deux œuvres peut être une similitude dans le choix du motif ou d'un même procédé technique ou les deux, voire d'une même intention (parodie, détournement) ou une réinterprétation.

Dans le monde du cerf-volant, on ne parle pas de filiation, mais simplement de "copie".
Ce qui n'est pas la même chose.
Et semble très réducteur...

Avant tout, les problèmes de l'art sont des problèmes de forme et de création de formes. Tout comme les problèmes de la construction d'un cerf-volant relève aussi de problèmes de forme.

Cependant, il se rend compte que depuis Rogallo, personne n'a rien inventé quoi que ce soit de plus, mis à part le Révolution, en quatre lignes. Et une sacré révolution.
Un tsunami cervolistisque !

Mais pour le delta, le cahier des charges est resté quasiment le même pour l'élaboration d'un cerf-volant mis à part le design. La tendance actuelle étant au bridage trois points dissociés et au G-Tech.

Non, ce qu'il veut, c'est un kite qui corresponde à sa musique et que la musique corresponde à son type de vol et que son vol corresponde à un kite donné et que cela forme un tout.

Une musique arythmique faite de nappes sonores, de plages de silences.
Il voudrait que son vol soit en adéquation avec cette complexité et ce manque.

Comment rendre le vide et l'absence en cerf-volant ?

------------
Il a réussi à se fabriquer un prototype tout en Tyrex™ un nouveau produit dont la trame est plus résistante que l'Icarex et qui peut être transparent et dont les couleurs résistent aux UV...
Voilà, il voulait un kite ultra minimaliste où seul le relief des coutures de chaque panneau en révèlent la forme globale en même temps que cette forme globale se dilue dans la séparation des panneaux.

Le kite prend bien le vent, il est tout de suite en pression.
Sa plage de vent est considérable, il est lent et majestueux dans le ciel.
En plage basse, il demande une certaine technicité, dans sa zone de confort, il est sain et très réactif avec une vitesse constante.

Le lendemain matin, après avoir fêté son premier kite au Lagavullin, il se met à tirer un gros câble de chez lui jusqu'à la plage.
Ensuite, il installe ses enceintes B&W 800 sur des palettes recouvertes de médium pour que le sable n'absorbe pas le son... Et branche son ampli à lampe.
Il fait quelques vérifications pour le volume sonore.
Il a orienté les enceintes de manière à ce qu'elles forment un triangle équilatéral parfait convergeant vers le point d'écoute. Il les a placées à la même hauteur sur le plan horizontal, le tweeter se trouvant au niveau de ses oreilles quand il est debout.
Comme le vent vient du large, il aura le dos tourné à la mer et les enceintes seront en face de lui.

Là, au milieu de la plage et vêtu de noir, il ressemble à un chef d'orchestre dans une salle vide juste avant la représentation.

Au loin, la mer est calme. Le ciel est arcouru de cirrostratus qui forment comme un voile blanchâtre indiscernable.
Un vent stable et régulier vient du SW.
Sa vitesse de 15 km/h est constante.
Les flux d'air sont tous parallèles. Il n'y a aucunes turbulences. Le vent est laminaire.

Il commence par dérouler ses lignes.
Des lignes de 40 m.

Sur sa bande sonore, il a mis une amorce de 45 s avant le début de la musique.

Il fait le vide en respirant par le ventre.
Toutes tensions semblent disparaître de son corps.
Ses muscles se détendent.
Il entend le flux incessant des vagues. Mais cette perception est comme étouffée, comme si la mer se retirait.
Sa respiration est maintenant en accord avec la houle qui s'amenuise petit à petit.

Il met le son via sa télécommande Bluetooth.
Quand la musique arrive, il commence sa routine.
Elle démarre par un Flank-up, un carré à droite suivi d'un posé deux pointes en milieu de fenêtre.

Le son envahit la plage et se mêle au vent, le tout rythmé par les bruits du kite pendant les déventes.

Stop et bascule Yoyo, montée verticale, virage large et sur l'horizontale , un superbe Slot qui déroule le Yoyo.

Il fait corps avec son cerf-volant et les éléments.
Le kite, lui et la musique ne font plus qu'un.
Il a l'impression que le temps s'est suspendu...

Il a terminé par un Kombo multilazy.
Quand il a tiré pour le Posé deux pointes, les deux pointes d'aile se sont enfoncées dans le sable en soulevant des particules.
La scène semble au ralenti.

La bande son dure 20:42 mn.

Quand la musique cesse, il entend le flux des vagues qui remontent.

Lentement, il revient à lui.
Il semble émerger d'un rêve ou de sortir d'un trip comme s'il avait pris des substances psychotropes.

on s'y croirait en te lisant . . .
comme lorsque l'on s'imagine être le héros d'un livre d'aventure que l'on lit/dévore avant de s'endormir . . .

>> Cependant, il se rend compte que depuis Rogallo, personne n'a rien inventé quoi que ce soit de plus

un peu tout de même

il a existé ou existe encore des deltas à la base 2 lignes avec un bridage 4 lignes

lors des concours de construction 4 lignes des idées et des nouveaux modèles sont apparus

Didier Ferment et d'autres personnes inventaient pas mal de choses
http://www.ciel-libre.nnx.com/intro.htm

et beaucoup ont partagé aussi ou recherché comme toi le partage sur la construction
http://www.petithomme.be/cv4/index.php?category/Notions-de-cerf-volants
http://www.petithomme.be/cv4/index.php?fix/Contact

Ce sont des "brèves de terrain et de forums".
Il n'y a rien de personnel dedans.
Le reste, c'est de la fiction.

Rogallo, c'est la forme delta...

Ceci dit, les kites ont beaucoup évolué pour s'adapter aux nouveaux tricks, mais la forme globale n'a pas vraiment changé.

Brèves certes, mais croustillante et, je l'espère, sans fin !!

SUper Luc! Continue ça fait plaisir de te lire